Couplée à une installation photovoltaïque, l’unité de méthanisation doit générer plus de 4.200 mégawatts-heures (MWh) d’électricité par an. – Déméter Energies
Cette entreprise fondée par des agriculteurs des Deux-Sèvres a associé les habitants et mené une campagne de financement participatif pour lever les oppositions.
Décembre 2017, la nouvelle tombe. La collecte de Déméter Energies sur la plateforme de financement participatif Enerfip est bouclée. La somme, 200.000 euros, est modeste au regard de l’investissement total de 6 millions d’euros, mais le symbole est là : la société basée dans les Deux-Sèvres a réussi à fédérer les particuliers autour de son unité de méthanisation. Il aura fallu cinq ans pour que le Groupement agricole d’exploitation en commun Biraud-Paillat, spécialisé dans la production de lait de vache, voie son projet aboutir. « Tout a commencé en 2013, quand nous avons réalisé que nous ne pouvions pas continuer à subir des crises du lait à répétition, surtout dans un contexte de baisse des subventions européennes. Nous avons décidé de nous diversifier dans la filière énergétique pour avoir des revenus sécurisés, avec un prix de rachat du kilowatt-heure fixe », raconte Vanessa Baudrier Paillat, chargée de mission développement au GAEC Biraud-Paillat.
La construction d’un réseau de chaleur permettrait de chauffer le collège, la piscine et les bâtiments communaux.
Le groupement se rapproche de onze éleveurs des environs pour évaluer la faisabilité du projet. Conclusion : couplée à une installation photovoltaïque, la cogénération de 21.000 tonnes annuelles d’effluents générerait plus de plus de 4.200 mégawatts-heures (MWh) d’électricité et produirait l’équivalent de 4.950 MWh de chaleur. « La construction d’un réseau de chaleur permettrait de chauffer le collège, la piscine et les bâtiments communaux, précise-t-elle. Les collectivités locales ont donné leur feu vert, mais elles nous ont mis en garde contre l’opposition qu’on pourrait rencontrer dans la population. Pour mettre toutes les chances de notre côté, nous avons engagé une démarche de concertation. »
Une proposition inattendue
La première réunion d’information dans le village de Prin-Deyrançon attire 300 personnes. Dépréciation immobilière, odeurs, circulation de tracteurs : tous les sujets sont abordés, face à de nombreux indécis et quatre farouches opposants. Déméter Energies propose alors la création d’un groupe de concertation pour que chacun puisse proposer des améliorations. Les discussions durent un an. Et aboutissent une proposition inattendue. « Les habitants nous ont dit vouloir être acteurs à part entière du projet en participant à son financement », poursuit Vanessa Baudrier Paillat.
Déméter Energies se tourne vers la plateforme de financement participatif Enerfip pour organiser une collecte. Petit acteur du crowdfunding spécialisé dans la transition énergétique, ce dernier n’hésite pas à aller sur le terrain pour faire de la pédagogie. « Il existe encore beaucoup de préjugés sur les énergies renouvelables. Nous allons dans les villages à la rencontre du public pour lever les appréhensions, explique Léo Lemordant, président d’Enerfip. Nous expliquons aussi que le site Internet n’est pas une arnaque, tout en soulignant qu’un investissement comporte des risques. »
187 participants
En novembre, la collecte est en ligne avec un ticket d’entrée à 10 euros. En quelques semaines, les 200.000 euros sont levés grâce à 187 participants qui versent en moyenne 1.000 euros. « 44 % des investisseurs habitent à 10 kilomètres autour de la future unité de méthanisation, précise Léo Lemordant. Les autres cherchent un produit d’épargne rentable, tout en soutenant un projet de développement durable. »
Difficile de trouver un panel plus varié : les internautes sont de toutes les catégories socioprofessionnelles et âgés de 1 à 88 ans. « Le large spectre de la population montre que Déméter Energies a réussi à convaincre que son projet allait développer le territoire tout en préservant l’environnement », se félicite le président d’Enerfip. Déméter Energies a également embarqué dans le projet l’Ademe, le fonds européen Feder, les banques et coopératives agricoles voisines, levant au total 6 millions d’euros. Le chantier, qui a débuté en janvier, devrait s’achever en décembre.